Peintres catalans des périodes Néo-classicisme & Romantisme
Classicisme
À partir de 1893, les modernistes catalans ont tourné leur attention vers des tendances symbolistes, marquant ainsi le début d’un mouvement significatif. À la fin du XIXe siècle, Barcelone s’affirmait comme la ville espagnole la plus réceptive aux évolutions artistiques européennes, témoignant de cet élan lors de l’Exposition universelle de 1888. En Espagne, la Catalogne se distinguait par sa vitalité et sa bouillonnement culturel, soutenue par une élite bourgeoise instruite. Dans la dernière décennie du siècle, après la conclusion de l’Exposition et en parallèle avec l’avènement du mouvement nationaliste catalan, le modernisme a prospéré, porté par des architectes de renom tels que Lluís Domènech i Montaner, Josep Puig i Cadafalch et Antoni Gaudí, ainsi que par des écrivains et des peintres qui ont profondément marqué l’art européen du XXe siècle. Barcelone a rompu avec son passé médiéval en 1859 grâce au Plan Cerdà, à l’instar de Paris qui avait initié la transformation urbaine avec le plan Haussmann entre 1853 et 1869. Cette période de plein essor économique, alimentée par le développement industriel, a donné naissance à une multitude de bâtiments modernistes pour répondre aux aspirations bourgeoises. La période de rayonnement maximal du modernisme s’étend de 1900 à 1915, avec l’émergence de grands édifices à Barcelone et l’élargissement de son influence à travers la Catalogne. Tout en restant ancré dans ses racines nationales, le modernisme ne peut être envisagé sans son caractère moderne et cosmopolite. Des figures emblématiques comme Puig i Cadafalch ont trouvé leur inspiration dans l’architecture d’Europe centrale, intégrant des techniques contemporaines, tandis que la peinture, à travers des artistes tels que Ramon Casas, a indéniablement été teintée par l’impressionnisme.
En Catalogne, le retour au classicisme prend des traits particuliers dans ce qu’on appelle le méditerranéen. L’idée que la Méditerranée gréco-latine est le véritable berceau de la civilisation et que la luminosité, l’harmonie et le rythme associés au classicisme sont des qualités qui imprègnent toute la société, des élites aux couches les plus populaires, constitue une utopie de pacification sociale qui s’oppose à la société violente et turbulente de l’époque
En Catalogne, l’impulsion donnée par l’École des beaux-arts de la LLotja de Barcelone est décisive pour la consolidation de l’art catalan, de même que pour la distance qu’il prend par rapport à son aspect corporatiste et artisan73.
Salvador Mayol (ca), Un café à carnaval (1824-1825), Académie royale catalane des beaux-arts de Saint-Georges, en dépôt au MNAC).
L’architecture néo-classique n’est pas très productive. On retiendra le nom d’Antoni Cellers (ca), architecte académique et grand théoricien du classicisme ; on lui doit l’église des Pères (ca) de Sabadell (1831–1832), ainsi que celle des Grands Carmes de Barcelone (1832), aujourd’hui disparue. Mérite aussi d’être mentionnée l’œuvre de Josep Mas i Vila (ca), auteur de la nouvelle façade de la mairie de Barcelone (1830). L’architecte italien Antonio Ginesi (es), à qui l’on doit le Vieux Cimetière de Barcelone (1818), professe un style quelque peu éclectique, mêlant au nouveau langage classique des éléments hérités du baroque74.
La peinture connaît en un premier temps une influence française, due à la présence de l’artiste provençal Joseph Flaugier, qui devient directeur de la Llotja entre 1809 et 1813 ; Flaugier est entre autres l’auteur d’un portrait de Joseph Bonaparte. On trouve ensuite des noms comme Vicenç Rodés (ca), portraitiste de grande qualité technique, directeur lui aussi de la Llotja de 1840 à 1858; et Salvador Mayol (ca), cultivant des thèmes populaires rappelant les œuvres de Goya et s’éloignant d’un néo-classicisme rigoureux75.
Pour la sculpture, on retiendra le nom de Damià Campeny, qui vit à Rome entre 1796 et 1815, auteur d’œuvres de renommée internationale, comme Lucrèce morte (1804), dénotant l’influence d’Antonio Canova, avec un niveau de détail exceptionnel tant dans l’anatomie que dans les plis des étoffes76. Antoni Solà (1803–1861), lié comme Campeny à l’histoire de la Llotja et résidant lui aussi à Rome jusqu’à sa mort, réalise des œuvres inspirées de la mythologie classique, comme Télémaque (1806), Méléagre (1818) et Vénus et Cupidon (1820). Ramon Amadeu (ca) se consacre à l’imagerie religieuse et aux crèches de Noël77.
Romantisme
Mouvement de grande liberté créatrice, le romantisme ouvre l’art au monde de la fantaisie et de l’imagination, à l’interprétation subjective portée par l’artiste sur la réalité qui l’entoure. Les romantiques s’opposent aux conceptions académiques de l’art et attribuent à l’artiste un génie créateur. Ils revendiquent les valeurs de l’art médiéval, dont ils seront de grands admirateurs et qui deviendra l’une de leurs sources d’inspiration78.
Claudi Lorenzale, Origine de l’écu du comté de Barcelone (1843-1844), Académie royale catalane des beaux-arts de Saint-Georges.
L’architecture est imprégnée de ce nouvel esprit romantique et suit les préceptes de théoriciens comme John Ruskin et Viollet-le-Duc, s’inscrivant dans ce qu’on appelle l’historicisme, courant qui préconise la revitalisation de styles architectoniques antérieurs, avant tout médiévaux, leur apposant le préfixe « néo »: néo-gothique, néo-roman, néo-baroque, etc.79. L’un des précurseurs de ce courant est Elies Rogent, architecte de l’Université de Barcelone (ca)(1863–1868), qui devient le premier directeur de l’École technique supérieure d’architecture de Barcelone. Josep Oriol Mestres (ca) est l’auteur du Grand théâtre du Liceu (1848, avec Miquel Garriga) et de la nouvelle façade de la cathédrale de Barcelona (1882–1888). On doit à Joan Martorell i Montells plusieurs églises inspirées de l’art gothique, comme celle des Jésuites (1883–1889) et celle du couvent Saint-François-de-Sales (1882–1885), à Barcelone, ainsi que le Séminaire Pontifical de Comillas (1883–1889). En urbanisme, il convient de mentionner la création de la Plaça Real de Barcelona (1848-1860) , par Francesc Daniel Molina i Casamajó (ca)80.
Le premier représentant de la peinture romantique est Lluís Rigalt (ca), fils d’un paysagiste néoclassique, dont l’œuvre regroupe des tableaux, mais aussi des dessins, des gravures, des lithographies, etc. ; on remarquera notamment sa peinture à l’huile Montagne de Montserrat. Le mouvement allemand des Nazaréens recueille en Catalogne un écho notable ; il défend et imite le style des maîtres italiens du xve siècle antérieurs à Raphaël, qui, pour eux, représentent l’idéal du purisme artistique81. Le théoricien du mouvement est Pau Milà i Fontanals (ca) et il convient de citer comme artistes s’étant particulièrement distingués Claudi Lorenzale (auteur de l’Origine de l’écu du comté de Barcelone, 1843-1844) et Pelegrí Clavé (Le Bon samaritain, 1839)82.

Marià Fortuny i Marsal
Marià Fortuny i Marsal, souvent simplement désigné sous le nom de Fortuny, est un peintre catalan né le 11 juin 1838 à Reus en Catalogne et mort prématurément le 21 novembre 1874 à Rome. Considéré comme l'un des artistes les plus éminents du XIXe siècle en Espagne, il...